Charlotte Corday
Figure majeure de la ville de Caen, elle est passée à la postérité après avoir assassiné Marat dans sa baignoire le 13 juillet 1793.
La bibliothèque possède de nombreuses estampes la représentant, remontez le fil de l'histoire avec nous !
Charlotte Corday, une figure historique
D’abord humiliée
Dans les semaines qui ont suivi les faits, l’image de Charlotte se détériore dans l’opinion publique tandis que le culte de Marat prend de l’ampleur. Le procès a dépeint Charlotte comme atteinte de folie, partisane de la Royauté et ayant agi sous la commande des députés Fauchet, Barbaroux et Duperret considérés à tort comme ses complices. Des accusations sur sa vertu sont lancées et sont propagées dans le théâtre et la littérature mais un examen approfondi révèle qu’elle était encore vierge au moment de sa mort. La Terreur menée par Danton et Robespierre profite de l’histoire de Charlotte pour réaffirmer la structure patriarcale de la société et pour limiter les libertés des femmes jugées trop dangereuses.
Le peintre Jacques-Louis David, envoyé par la Convention, entreprend la réalisation de son Marat assassiné pour lequel il obtient un large soutien financier. Cette oeuvre se détache de toutes les interprétations de la scène fatidique car c’est la seule à occulter la présence de Charlotte, se concentrant uniquement sur le cadavre de Marat dans sa baignoire. Une oeuvre qu’il ne peut présenter tardivement qu’en novembre 1793. Mais la chute de Robespierre en 1794 renverse l’opinion.
Le culte de Marat intimement lié au succès de la Terreur disparait aussi vite qu’il est apparu et de timides tentatives littéraires par André Chénier (une ode) et Adam Lux (une brochure) pour nuancer le portrait de Charlotte leur coûtent la vie à tous les deux. L’Empire qui suit n’est pas plus clément à la figure de Charlotte et tente même de passer son histoire sous silence car tout ce qui rattacherait le peuple à la Révolution pourrait mettre le pouvoir de Napoléon en péril.
Puis réhabilitée par les Romantiques
Ce n’est qu’à partir de 1830 que les Arts refont appel à la figure de Charlotte Corday qui inspire aussi des auteurs à l’étranger. La poétesse Louise Colet et le dramaturge François Ponsard entre autres convoquent Charlotte dans leurs oeuvres respectives. Ils la transforment en figure divine voire angélique, la comparant à Jeanne d’Arc, mais ces oeuvres rencontreront un succès limité à cause de critiques acerbes. Il faut attendre le poète romantique Alphonse de Lamartine et son Histoire des Girondins pour que la réhabilitation commence à prendre forme. Même s’il condamne l’acte en lui-même, il reconnait l’héroïsme de Charlotte qu’il qualifie d’« Ange de l’Assassinat ». De même que Jules Michelet, dans son Histoire de la Révolution Française loue sa « splendeur sinistre » au moment de son exécution.
Et au XXe siècle…
Les médecins du début du siècle dont le docteur Cabanès, s’emparent de son histoire et tentent à travers l’analyse de personnages historiques, de disséquer les origines des révolutions et de l’envie de meurtre sous l’angle psychopathologique. Puis, l’extrême droite des années 1920 et 1930, rejetant férocement le personnage de Marat pour tout ce qu’il représentait, érige en contrepartie un culte à Charlotte en créant le « Comité Corday » qui publie en 1933 des pamphlets contre le communisme, jusqu’à devenir en 1944 «une princesse aryenne » sous la plume du professeur Bernardini en conclusion de son ouvrage Le Juif Marat.
S’il est difficile de s’y retrouver dans le torrent de passions qu’a déclenché la figure de Charlotte Corday, force est de constater qu’elle a su traverser les siècles. On en retient de nos jours, l’image d’une femme attachée à ses convictions et résolument féministe.