Charlotte Corday
Figure majeure de la ville de Caen, elle est passée à la postérité après avoir assassiné Marat dans sa baignoire le 13 juillet 1793.
La bibliothèque possède de nombreuses estampes la représentant, remontez le fil de l'histoire avec nous !
Charlotte Corday, des convictions
La République à ses débuts
En janvier 1793, le roi Louis XVI, renversé en septembre 1792, est guillotiné, ce qui marque la fin de la Royauté. La première République qui se met alors en place repose à ses débuts sur un gouvernement appelé la Convention Nationale, une assemblée qui prend les décisions, composée de trois groupes de députés : les Montagnards perchés dans les hauteurs de l’hémicycle, les Girondins un peu excentrés et la Plaine tout en bas.
Les Montagnards, originaires de la Capitale, sont partisans d’un pouvoir fort et centralisé et ne souhaitent pas entrer en guerre contre les peuples d’Europe qui veulent renverser la Révolution. Ils sont soutenus par les sans-culottes parisiens tandis que les Girondins, issus de la bourgeoisie aisée de province, dirigent l’Assemblée. Ils craignent le retour à l'Ancien Régime, redoutent la mainmise des Parisiens sur le pays et veulent étendre à l'Europe les acquis de la Révolution et des Droits de l'Homme.
La naissance de ses convictions politiques
Charlotte, au sortir du couvent, se rapproche du mouvement Girondin. Certains députés, placés sous mandat d’arrestation, ont fui Paris et se réfugient à Caen, rue des Carmes afin de préparer leur départ vers l’Ouest et le Sud. Ils haranguent la foule, exhortant le peuple à se révolter quand Charlotte passe son temps à lire et les entend défiler sous ses fenêtres. La jeune femme semble séduite par ces idées, elle réussit à s’immiscer dans le cercle des Girondins grâce au député Barbaroux et assiste à leurs réunions. Elle cherche des contacts haut placés qui pourraient aider une ancienne amie du couvent, Alexandrine de Forbin, à recouvrer une rente qui lui est due.
Jean-Paul Marat, l’Ami du Peuple
Parmi les Montagnards, Jean-Paul Marat fait office de figure de proue. Docteur de formation, il est atteint d’une grave maladie de peau qui le rend constamment fiévreux.
Il se consacre à des recherches encyclopédiques en physique et en anatomie qui seront contestées puis rejetées par l’Académie des Sciences et Lettres, qui accuse Marat d’inexactitudes et de falsification de résultats d’expériences. De ce manque de reconnaissance académique et de son dégoût pour les inégalités dont il est le témoin naît son envie de s’impliquer davantage dans le fait politique. Il décide de publier un journal, L’Ami du peuple, afin de propager son idéal révolutionnaire qui repose sur l’idée que les richesses doivent être mieux réparties. Il encourage pour cela le recours à la violence et à la purge des traitres, tant dans son journal qu’à la Convention où il siège. Ce que Charlotte ne peut se résoudre à cautionner.
L’assassinat
La semaine du 13 juillet 1793 est le moment où tout bascule pour Charlotte Corday. Dans la fournaise des journées d’été parisiennes, celle qui n’avait rien à perdre entreprend un voyage de Caen à Paris, officiellement pour aider son amie à récupérer son argent. Mais hélas, les efforts du député Duperret, contact de Barbaroux à Paris, n’aboutissent pas.
Elle apprend que Marat ne se rend plus à la Convention à cause de sa maladie qui s’aggrave et qu'il reste chez lui Rue des Cordeliers, épaulé par sa maitresse Simonne Evrard. Elle tente alors de le contacter à deux reprises en lui envoyant des missives qui restent sans réponse. Elle se décide donc à aller le voir en personne mais c’est un échec, Simonne Evrard puis la gardienne lui refusent l’accès à l’appartement. Elle rédige alors un dernier mot énigmatique informant Marat qu’elle a des informations importantes à lui transmettre sur des députés girondins et qu’elle souhaite les lui remettre en mains propres. Mais toujours en vain. Elle se présente alors de nouveau chez lui une quatrième fois et profitant de l’absence de la gardienne, s’introduit chez Marat. Ce dernier passe la majeure partie de son temps dans sa baignoire pour essayer de soigner sa maladie. Profitant de la rencontre d'un créancier avec Marat, elle réussit à s’introduire dans la salle de bains. Charlotte et Marat discutent quelques instants des faits et gestes des Girondins à Caen et Marat s’emballe, réclamant une liste des députés qu’il pourrait faire guillotiner dans la foulée. C’est peut-être ce détail qui pousse Charlotte à passer à l’acte. Elle sort son couteau acheté le matin-même et poignarde Marat dans le sein droit, qui alerte par ses cris les habitants de la maison. Charlotte est arrêtée immédiatement et n’oppose aucune résistance.
Un procès et une mise à mort expéditifs
Transférée à la Conciergerie, elle demande à ce que son portrait soit exécuté avant de mourir et c’est Jean-Jacques Hauer qui est chargé de cette mission. Il terminera son portrait lors du procès qui se tient dès le lendemain. L’accusateur public, Fouquier-Tinville, se charge de collecter tous les documents et témoignages à charge.
Au cours de l’interrogatoire, elle prétend que le but principal de sa visite à Paris était de tuer Marat. Charlotte Corday choisit Doulcet de Pontécoulant, neveu de l’abbesse, comme avocat « pour la forme [1]», car son crime est indéfendable, mais celui-ci ne reçoit la convocation que trop tardivement. Pendant sa brève incarcération, elle écrit plusieurs lettres, dont la plus célèbre reste celle qu’elle adresse à son père avec qui elle entretient des liens distendus : « Adieu, mon cher papa, je vous prie de m’oublier… » L’accusateur public, voulant montrer l’exemple, n’a ni compassion pour Charlotte ni intérêt politique à faire durer un procès inéquitable. La sentence tombe le lendemain et sa mise à mort est prévue pour le 17 juillet. La foule, impatiente, s’agglutine sur le parcours et se délecte du spectacle, sa tête est montrée au public comme un trophée de chasse.
[1] Expression tirée de sa correspondance avec Barbaroux en prison