Zoom sur Norman Rockwell
Juin 2019
Irène Cohen-Janca
NORMAN ROCKWELL (1894-1978)
Rockwell est également connu pour avoir illustré des romans jeunesse dont ceux de Mark Twain (Tom Sawyer et Huckleberry Finn) et pour avoir réalisé des portraits d'artistes et de politiciens américains dont D.Eisenhower et J.Kennedy. En 1943, il participe à l'effort de guerre en publiant Les Quatre Libertés qui acquièrent une renommée mondiale.
Les années 1960 marque un tournant radical dans sa carrière. Il quitte le Post pour travailler au sein d'une nouvelle revue, LOOK, qui lui autorise de réaliser un travail plus en adéquation avec des sujets politiques sensibles. Perçu jusque-là comme l’illustrateur léger d’une Amérique heureuse et intemporelle, Rockwell va dorénavant dénoncer la violence et l’injustice de la ségrégation raciale. Son illustration la plus célèbre reste Notre problème à tous qui représente une petite fille noire américaine, Ruby Bridges, se rendant dans une école jusqu'à présent réservée aux blancs, escortée par des agents fédéraux.
Son oeuvre est considérée aujourd’hui comme un jalon essentiel dans l’histoire des Droits Civiques américains.
Ruby tête haute
Irène Cohen-Janca (auteure), Marc Daniau (illustrateur)/Editions des Eléphants, 2017
Dans la Louisiane des années 1960, la ségrégation vit ses dernières heures. A la rentrée scolaire, Ruby, 6 ans, est la première enfant noire à intégrer une école de Blancs. L'hostilité de la population est immense. C'est le début d'une année terrible qui marque sa vie.
Venez découvrir l'histoire de Ruby Bridges, érigée en symbole de la lutte pour les droits civiques et sujet du célèbre tableau The problem we all live with de Norman Rockwell.
Conservatrice de bibliothèque et autrice, Irène Cohen-Janca a publié plusieurs romans jeunesse. C’est en voyant pour la première fois le tableau de Norman Rockwell, The Problem We All Live With qu'elle a eu l’idée d’écrire Ruby, tête haute.
The problem we all live with
Norman Rockwell, huile sur toile,1964, Musée N.Rockwell de Stockebridge
Les personnages sont dans la rue…en route vers où ? Ruby tient un cahier, une règle et deux crayons. Elle se rend à l’école. Norman Rockwell représente Ruby Bridges, une jeune afro-américaine alors âgée de six ans, qui se rend dans une école de la Nouvelle-Orléans, fréquentée uniquement par des enfants blancs jusqu'à ce jour du 14 novembre 1960. Le contexte est symbolique : il s'agit du processus de déségrégation des noirs et des blancs.
À cause des menaces proférées à son égard, la petite fille doit être escortée par quatre adjoints du Marshall, chargés de sa protection. Malgré le climat tendu où les insultes et les menaces sont proférées par une foule hostile à l'intégration des Noirs, Ruby adopte une démarche déterminée sur l'oeuvre de Rockwell. Son attitude est détachée de ce qui se passe autour ; restant concentrée sur son unique but : aller à l'école ! Cette attitude distante peut-être dictée par la peur mais aussi la fierté. Elle présente d’ailleurs un visage impassible et serein.
En arrière-plan, trois éléments se détachent nettement sur le fond. Le premier est KKK, l’acronyme du Ku Klux Klan. Le second est l’inscription raciste NIGGER (‘négresse’). Le troisième, rouge sang, est une traînée laissée par une tomate propulsée contre le mur puis tombée sur le sol. Cette tomate est visible au pied du 4ème marshal. En examinant le tableau, on note que les deux inscriptions sont inscrites à une telle hauteur qu'elles n'ont pu être faites par des enfants. De même, la largeur de l’éclaboussure laisse deviner la violence du jet de la tomate, probablement lancée par un adulte.
L'image est renforcée par un habile jeu de contrastes : le noir ébène de la peau de la petite fille contraste avec sa robe, ses rubans et ses souliers blancs. Cette robe immaculée, dont le blanc symbolise la pureté et l'innocence, contraste avec la saleté du mur décrépi jonché de propos haineux. Le contraste s'exprime enfin entre l'enfant, image de pureté, et les propos orduriers inscrits sur le mur. Le rouge de la tomate symbolise le sang et la violence. Si l'on observe la forme générale de l'éclaboussure sur le mur, elle rappelle les bandes rouges du drapeau américain ainsi que l'aigle qui symbolise l'unité des Etats-Unis ; unité venant d'être foudroyée en plein vol dans cette situation de tension extrême. L'autre pan du drapeau se trouve dans les mains de Ruby : son cahier est bleu étoilé !
Rockwell a fait en sorte que le spectateur se trouve au milieu de la foule menaçante qui regarde passer l’enfant. A lui de choisir le sens qu’il souhaite donner au mot “problème” : l’arrivée sous escorte de cette enfant noire dans une école ou bien les menaces xénophobes contre cette enfant ?
Peintre d'une Amérique traditionnelle, Rockwell appartient cependant à cette frange de la société suffisamment progressiste pour contester la situation ségrégationniste qui perdure dans les Etats du Sud. Il glisse cependant une note positive dans son tableau. Ruby franchit une ligne tracée sur le trottoir, sorte de passage symbolique vers une ère nouvelle : un avenir ou les Noirs et les Blancs seront réunis. En sus, les personnages marchent vers l'ouest, véritable symbole de l'avenir pour les Américains. Rien n'est laissé au hasard par l'artiste qui "truffe" son oeuvre de précieux indices !
Ce tableau est devenu le symbole de la lutte pour l'égalité des droits aux Etats-Unis dans les années 1960. Sous la présidence de Barack Obama, premier président afro-américain, le tableau fut installé au sein de la Maison Blanche !
(Source You Tube)