Zoom sur David Hockney
Mars 2023
David Hockney
DAVID HOCKNEY (1937- )
David Hockney est un des peintres anglais les plus influents et les plus doués de sa génération. Mondialement connu, il produit, depuis plus de 65 ans, une œuvre solaire et hédoniste à la croisée du Pop Art et de l’Hyperréalisme. Né en 1937 à Bradford dans une famille modeste, le jeune David, dès son plus jeune âge, souhaite devenir artiste. Il réalise d'abord des caricatures qui sont publiées dans le journal de son école et va poursuivre sa scolarité dans une école d'Art de Bradford. C’est là qu’il s’essaie à la peinture. Il représente son Yorkshire natal, ses parents et réalise ses premiers autoportraits. Il entre ensuite au Royal College of Art de Londres. Il y (re)-découvre les grands maîtres qui l’influenceront tout au long de sa carrière même s’il ne revendique pas d’appartenance à un mouvement artistique particulier. Pourtant, il n’a jamais cessé de regarder ses prédécesseurs, ceux qui, avant lui, ont su voir et percevoir le monde pour en restituer la vérité par la seule grâce de leurs pinceaux. Van Gogh, Vermeer, Degas, Rembrandt, Bacon, l’expressionisme abstrait de Pollock, Dubuffet, Matisse mais surtout Picasso.
"Je suis tombé amoureux de Picasso. Je suis tombé en admiration devant sa "Femme qui pleure". Picasso pouvait maîtriser tous les styles, toutes les techniques...".
En 1964, le jeune David quitte l'Angleterre grise et puritaine pour s'installer aux Etats-Unis.C'est un livre qui le pousse à partir : "City of night" de John Rechy. Ce best-seller raconte la vie nocturne gay de Los Angeles. C'est une révélation pour lui qui ne peut assumer sa propre homosexualité dans un pays qui la considère comme un crime jusqu'en 1967. Oscar Wilde en a d'ailleurs fait les frais !
Habité par le fantasme qu'il existe quelque part un paradis sur terre; Hockney pose ses valises en Californie. Il va dès lors enseigner à l’université et va continuer à créer, à inventer et à innover. Sa peinture s’imprègne dès lors "de la lumière éblouissante de Los Angeles et de cette vie « cool ".
A Bigger Splash
David Hockney, acrylique sur toile,1967, Tate Gallery de Londres
"Mon art doit rendre compte de la beauté du monde."
En arrivant aux Etats-Unis, David Hockney est fasciné par les piscines qui rythment la ville de Los Angeles comme autant d’oasis. Il commence alors sa fameuse série des "Pool paintings" qui fera sa renommée. Une œuvre en particulier, sûrement son œuvre la plus iconique, va le propulser sur le devant de la scène artistique : “A bigger splash”, 1967.
David Hockney livre ici une vision idéale de la Californie de la fin des années 1960. Pour réaliser cette toile, il s’inspire d’une publicité vue dans un magazine consacré aux piscines. Ce tableau est d’une grande rigueur géométrique que seul le splash vient troubler. Un ciel bleu azur, des palmiers aux toupets hauts perchés et le silence d’une villa californienne prise dans la torpeur d’un après-midi caniculaire. Soudain, ce plongeon fracassant, explosion de peinture blanche sur la toile, vient briser le rythme, la régularité et le calme de ce moment. Le responsable de ce chaos pictural n’est pas visible et a disparu dans les profondeurs de la piscine d’un bleu électrique. Il sème le trouble dans ce décor de rêve hollywoodien, où l’on reconnait, perdu au milieu de l’architecture moderne impeccable, un fauteuil de producteur qui rappelle la présence d’Hollywood et du show-biz. La peinture est également bordée d’un cadre clair à la manière d’un polaroid rappelant ainsi la passion d'Hockney pour la photo !
A year in Normandie
David Hockney/RMN Grand Palais, 2021
Début 2019, le peintre anglais pose ses valises en Normandie. Monet avait trouvé son eldorado à Giverny, Hockney à Beuvron-en-Auge ! La Normandie va devenir une intarissable source d'inspiration pour lui. Visitant Bayeux, il est frappé par la célèbre Tapisserie narrant la conquête de l'Angleterre par le Duc Guillaume. Il s'inspire alors de ce procédé narratif pour raconter picturalement l'arrivée du printemps. Il débute son cycle de peinture en mars 2020, quelques jours avant le confinement. Le pinceau est relégué au fond du placard au profit de la peinture sur "écran". Il use d'un IPad (qui devient son médium digital de prédilection) pour réaliser une immense fresque, de 90 mètres de long, rendant hommage au bocage normand : "Dessiner sur un IPad est très excitant. Contrairement à la peinture à l’huile, il ne faut pas attendre que ça sèche. On peut dessiner en continu, sans même s’arrêter pour réfléchir. Hockney s'est toujours tourné vers d'autres médiums et expériences souhaitant "lutter contre l'idée absurde de l'obsolescence supposée de la peinture figurative" en s'emparant des nouvelles technologies pour les mettre au service de l'art. Dès les années 1980, il utilise la photocopieuse couleur laser, le fax puis l’ordinateur et finalement l’Iphone qui lui permet de : "dessiner des fleurs tous les jours et de les envoyer à (s)es amis pour qu’ils aient des fleurs fraîches pour chaque nouvelle journée".
Alors que la pandémie s'éternise et que les confinements se succèdent, David Hockney, qui devait se contenter d’un travail sur l’épanouissement du printemps, va finalement réaliser le cycle complet d’une année entière ! Il réalise plus de 220 tableaux dans un contexte où les théâtres, les cinés, les musées sont fermés et les voyages annulés…affirmant qu' "au moins, ils ne peuvent pas annuler le printemps (...) et qu'en ces temps difficiles, l’art a le pouvoir de nous émerveiller, de nous stimuler, de nous informer aussi !"
Cette production titanesque sur Ipad constitue un vrai cas d’école dans le monde de l’art. Contrairement à un tableau ordinaire avec un cadre, qui n’est qu’une fenêtre sur une instantanéité, la fresque d'Hockney, à l'instar de la Tapisserie de Bayeux, se découvre en mouvement. Le mouvement du regard et celui du corps. Les saisons vont pouvoir défiler comme dans un film panoramique. Il a ainsi réussi à dépeindre les ciels normands, au fil des saisons, à la manière des impressionistes mais avec un outil du XXIè siècle ! D'abord présentée au Musée de l'Orangerie, la fresque "A year in Normandie" a ensuite été exposée, en 2023, face à la Tapisserie de Bayeux.
"A bien y regarder, ces deux chefs-d’œuvre, aux techniques artistiques certes différentes, immortalisent finalement un temps précis et montrent le déroulé d’une conquête ; celle d’un Duc normand en Angleterre au XIe s. pour l’une, et celle de la nature en Normandie et de son renouveau immuable malgré les bouleversements humains pour l’autre". Antoine Verney, conservateur Musée Tapisserie Bayeux.
(source youtube )