Syracuse

Sous l’ère déjà pesante de la Grande Dépression, la région des plaines du Mid-Ouest est touchée par une décennie de sécheresse qui va provoquer l’un des plus grands désastres écologiques d’origine humaine aux Etats-Unis. Cette période est baptisée les « Dirty Thirties ».  Les Grandes Plaines sont à l’origine des prairies. Les bisons y paissent, les Amérindiens, nomades, y vivent et aucune activité agricole n’y est menée en raison de l’inconstance des précipitations. Toutefois, dans les années 1900, la terre, peu onéreuse, attire des fermiers en quête d’une vie meilleure et plus prospère. Dès lors, le nombre de terres défrichées, labourées et ensemencées augmente de manière exponentielle et conduit à la conversion de millions d’hectares de prairies en champs céréaliers. Cette région, jadis peu fertile, devient le grenier des Etats-Unis et ainsi la promesse d'un nouvel Eldorado !
 Mais l’année 1932 marque le début de la sécheresse. La terre et le sable reprennent le contrôle d’une terre que l’on croyait définitivement soumise.  Les prairies se transforment en désert. Des vents violents soulèvent la terre séchée. La poussière forme de véritables tempêtes de sable, toujours plus fréquentes, et de plus en plus meurtrières. En 1932, 14 balaient la région. L’année d’après, on en recense 38 ! Ce phénomène va durer plus d'une décennie. Les récoltes et les pâturages sont détruits, les habitations et le matériel agricole sont régulièrement ensevelis, les enfants meurent de pneumonies et les commerces font faillite ! Le Dust Bowl (bassin de poussière) à cheval sur l’Oklahoma, le Kansas et le Texas devient le cœur de ce théâtre tragique.
"Ici, dans la poussiéreuse désolation de notre No Man's Land, nous essayons de préserver nos maisons de cette poussière qui pénètre partout où l'air peut s'infiltrer. C'est presque sans espoir, car pas un jour ne passe, ou presque, sans que s'élève un nouveau tourbillon de poussière. La visibilité est alors proche de zéro et tout est à nouveau couvert d'un dépôt semblable à de la vase, formant parfois une fine pellicule, parfois de véritables vagues sur le sol de la cuisine"  !
La résilience ou l’exil devient la seule issue pour les habitants. Malgré leur pugnacité et leur "sang fort*", des milliers de fermiers (peut-être 3 millions) empruntent la "Mother Road*" (Route 66) en direction de l'ouest qui devient terre d'espoir. Les plus touchés sont originaires de l’Oklahoma. Mais leur rêve d’un avenir meilleur en Californie se transforme parfois en cauchemar lorsqu'ils subissent une ségrégation identique à la ségrégation raciale ! Les "Okies", comme les "Colored people", ont interdiction de fréquenter les mêmes endroits que les "Blancs" !

Aimée de Jongh signe avec "Jours de sable" un récit poignant, inspiré par ces faits historiques et nourri par un séjour sur place. Mettant en scène une fiction dans un décor historique authentique, elle relate, avec un graphisme superbe, la puissance d'un drame qui pourrait se répéter ! Elle met en scène un jeune journaliste photoreporter prometteur, John Clark, engagé par la Farm Security Administration, dont la mission est de témoigner de la situation dramatique des agriculteurs du Dust Bowl. "Une image en dit plus qu'un millier de mots ". Il commence alors son périple de Washington vers l'Oklahoma et tente une fois sur place de se faire accepter par la population. Désoeuvré, il assiste à un spectacle apocalyptique où même en journée, le ciel peut devenir noir..."Le Minuit sans étoiles" le bouleversera à tout jamais.
L'organisme gouvernemental Farm Security Administration , chargé d'aider les fermiers, a réellement envoyé des photographes dans le Dust Bowl, dont  Dorothea Lange qui réalise alors un des clichés les plus reproduits de tous les temps : "Migrant Mother". Photographiée en 1936, Florence Owens Thompson (de par son regard lointain, par son visage soucieux et de par la présence de ses deux enfants et de son bébé) devient l'"icône" de la Grande Dépression américaine.

*J.Steinbeck, Les Raisins de la colère.

(Source YouTube)